
The Ficnews
La guerre d'Espagne: le témoignage incroyable d'une rescapée.
La guerre d’Espagne, l’écartèlement d’un pays au milieu d’un monde troublé. Des horreurs, trop de morts et puis une révélation : celle de Montserrat Monclus Arjona dite Montse.
Aujourd’hui française et âgée de 80 ans, c’est avec des yeux brillants et vifs qu’elle nous raconte son histoire, que sa fille a publié il y a quelques temps. Histoire qu’elle résume en une journée : le 13 août 1936.
Journaliste: Bonjour madame Montse, je suis ravie que vous ayez accepté de donner cette interview sur votre vie. Vous avez à présent 90 ans mais il semble que vous n’ayez rien oublié de votre jeunesse!
Montse: Si je m’en souviens? Comment puis-je oublier ces moments là! J’étais jeune, j’étais belle, j’étais libre et en amorado. Il n’y a, pour moi, que cette année 1936 qui résonne encore.
Journaliste: Oui, cette fameuse année. C’est votre frère il me semble qui a tout déclenché chez vous? Ce besoin de liberté?
Montse: Non, José a été…comment dites-vous…la poudre au feu. Dans mon petit village de campagne je commençais déjà une révolte silencieuse contre mes parents, contre ceux qui pensaient trop sagement: ces traditionnalistes qui ne savent que cracher sur ce qui ne leur ressemble pas. Ma mère voulait que je travaille chez doña Sol, que je sois une bonne petite bête bien obéissante, que je présente toutes les garanties d’une parfaite idiote!
J’aimais mes parents mais ils étaient si modestes, si respectueux du…pouvoir -je n’aime pas ce mot- et ma mère si éclipsée…
Journaliste: Vous vous êtes mariée avec Diego quelques temps après mais lors de la lecture du livre on ne comprend pas très bien les sentiments que vous aviez pour lui…
Montse: Je ne haïssais pas Diego comme mon frère. En fait je ne savais pas vraiment quoi penser de lui mais j’éprouvais un peu de pitié: sa madre était folle et la famille française qui l‘a élevé ne semblait pas savoir qu’une assiette bien remplie et un lit chaud ne suffisent pas pour élever un niño. Et puis José ne l’a pas vraiment aidé…
Journaliste: Il est mentionné que vous avez partagé avec don Jaime une forte amitié. Qu’en pensez-vous?
Montse: Dites amistad, ce mot à tellement plus de panache en espagnol! Et je pense que c’est vrai: je lui offrais toute la sagesse que mon bon sens de paysanne m’avait donné et ma « douceur » de femme tandis qu’il m’apprenait l’élégance, le goût des belles choses et me dispensait la tendresse que Diego lui avait refusé. Mais nous nous dissociâmes après la mort de José, mi melancolia était si noire, si sombre, si turbio…
Journaliste: Dans le livre de votre fille, il y a beaucoup de mentions de Bernanos et de son ouvrage Les grands cimetières sous la lune. Pourquoi cette volonté d’une double voix?
Montse: Dios mio! Heureusement qu’elle le fait! A mon âge, on a plus toute sa tête. Et puis ces années-là ont été si douces, si grandioso! Je ne pourrai jamais dire ce qu’il s’est passé en dehors de ce moment où la libertad embaumait l’air. Je ne sais rien de la guerre et du sang. Laissez lui ça, il s’y connaît mieux que me.
Journaliste: Dans la même logique Bernanos critiquait l’Eglise, le pape et ces prêtres qui se baladaient sur les champs de bataille pour bénir ceux qui venaient d’être exécutés. Que pensez-vous de cette alliance catholico-franquiste?
Montse: Je ne vous avais pas dit de ne pas me parler de ça? De toute façon, ça ne m’étonne pas vraiment, les espagnoles n’avaient peur que de deux choses: ce qu'allait dire Dieu et ce qu'allaient dire les voisins! Mais je sais qu’il y en avait qui refusaient de s’allier a los traidores: ils se cachaient dans la campagne, dans les villages… Ils se cachaient de Franco, des anarchistes, des communistes…Momento triste pour les bons croyants.
Journaliste: Il y a dans ce livre, beaucoup de mentions de dona Pura comme une conservatrice, anti-anarchiste, très religieuse et franquiste. Pourquoi n’y a-t-il pas eu de rébellion contre elle?
Montse: Parce que dona Pura était…dona Pura. Il faut la connaître et savoir ce qu’elle représentait dans mon village pour comprendre ça. On n'arrivait pas vraiment à lui en vouloir: elle était toujours enfermée, ces yeux ne dérivaient jamais de son ouvrage, de sa Bible ou de son journal franquiste qu’elle attendait avec tant d’impatience. Il ne faut pas lui en vouloir. Elle n’avait pas de loisirs, pas d’actividad… Et puis que pouvait-elle nous faire? Elle n’avait pour elle que ses croyances, ses manières et son argent.
Journaliste: Voilà, l’interview est terminée, je vous remercie énormément pour votre participation. Un petit mot de fin?
Montse: Eh bien…ma fille semble avoir tellement mis de cœur dans son livre que je ne peux que vous dire de le lire. Elle m’a sorti quelque chose, à propos de la « guerre d’Espagne vue par une Espagnole normale », et sa comparaison avec le livre de Bernanos, mais je pense toujours que 1936 a été el mejor año de mi vida.
